mars 2008 (22)

lundi 31 mars 2008

« Ephphatha ! »

Samedi dernier, lors d'un aller-retour Paris-Annecy pour les obsèques de mon vieil ami Jean, je me suis retrouvé dans l'église paroissiale de mon enfance. Un demi-siècle plus tard ! C'était à la fois un devoir d'amitié incontournable et un traquenard que j'appréhendais fort : c'est dans cette église qu'avait germé en moi une vocation sacerdotale toute neuve, dans les effluves d'encens, le parfum des lys et la pyrotechnie des toccatas. Qu'allais-je éprouver rétrospectivement : de l'émotion ? Plus sûrement une sourde irritation ! Bref, je me tenais sur mes gardes, plutôt contrarié par ce rendez-vous auquel je ne pouvais pas échapper.

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samedi 29 mars 2008

À L’AMI QUI SE MEURT…

À l'occasion du Sidaction, je mets en ligne ce poème inédit de mon très cher ami Bernardo récemment disparu.
Ce week-end, souvenons-nous, restons soudés, soyons généreux et… sortons couverts !

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vendredi 28 mars 2008

MUSIQUE PASCALE

L'autre soir, rentrant du travail, je traversais à pied le village de St Cloud. Comme c'était le Jeudi Saint, les cloches sonnaient à toute volée. Je m'arrêtai un instant sur le trottoir, interdit, ravi, tant était sidérante l'harmonie qui me tombait dessus, à la fois puissante et harmonieuse, familière et d'une stupéfiante nouveauté, une puissance antique presque incongrue. Au parfum d'enfance s'ajoutait une sorte de stupeur émerveillée : au début d'un nouveau siècle à la fois moderne et barbare, technologique et superficiel, souvent aussi plat que la prose et aussi terne qu'un morceau de macadam, comment un tel concert venu du ciel pouvait-il encore avoir ici droit de cité ?

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jeudi 27 mars 2008

EUTHANASIE YOUPI !

Ce que je ne comprends décidément pas, c'est que, chaque fois qu'un patient incurable veut en finir, il doive en France, tout en convoquant les médias avides, lever le doigt (s'il reste encore un doigt à lever !) pour demander la permission en pleurnichant : « Excusez-moi, M'sieur le Juge (ou mon Père), est-ce que j'ai le droit de ne plus souffrir le martyre et de ne plus ressembler à une monstrueuse cucurbitacée ? »
De quoi je me mêle ? Il y a une manière élégante, esthétique et indolore de disparaître à domicile et d'en faire l'acmé de son existence. Encore faut-il être plus prévoyant que procrastinateur et avoir adopté sa vie durant mon axiome : « Rien ne sert de mourir, il faut partir à point. » Et là-dessus, Montaigne reste notre maître à tous : « Le sage vit tant qu'il doit, non pas tant qu'il peut : le présent que nature nous ait fait le plus favorable, et qui nous ôte tout moyen de nous plaindre de notre condition, c'est de nous avoir laissé la clé des champs (…). Si tu vis en peine, ta lâcheté en est cause ; à mourir, il ne reste que le vouloir. » (Les Essais, Livre II)

Ci après, le petit scénario que j'ai concocté et qui me plairait bien, le plus tard possible évidemment, puisque mourir à temps n'oblige pas de partir en avance !

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mercredi 26 mars 2008

POÈMES D’ENFANCE (9)

Très souvent remontent à la surface de ma mémoire des lambeaux de poèmes… un demi vers boiteux par ci… un octosyllabe estropié par là… parfois juste quelques mots agrippés à une rime. Par exemple : « Midi, roi des étés épandu sur la plaine… » ou «…le coup dut l'effleurer à peine, aucun bruit ne l'a révélé mais la légère meurtrissure… » Ensuite, plus rien, le cerveau capitule : un grand blanc. J'enrage, j'épelle à mi-voix pour retrouver le Sésame. Toujours rien. Pas moyen de trouver la suite mais il suffirait peut-être de gratter par ci, de dépoussiérer par là… peut-être… c'est si lointain, un demi-siècle ! C'est si proche, encore si vivant en moi lorsque je ferme les yeux pour ressentir dans mon esprit embué toute cette imagerie verbale qui palpite et bat encore comme un petit cœur obstiné. Fragments d'enfance !
En ce temps-là (dans les années cinquante soixante), boule rase et blouse grise, j'étais un élève modèle dans mon petit séminaire austère. On faisait ses Humanités, comme on disait à l'époque. Le grec et le latin étaient à l'honneur, Bordas était notre Bible, un certain Calvet peut-être aussi, en moins rutilant. J'étais 1er de classe à peu près en tout (sauf en gymnastique, et dans les autres matières Gabriel et François étaient de redoutables concurrents !). Année après année, je collectionnais les billets d'honneur qui étaient roses et les livres de Prix fin juin (ils étaient ennuyeux car c'était souvent des vies de Saints). J'adorais déjà les mots, les strophes bien rythmées, les alexandrins fiers et musclés, les métaphores et les harmonies imitatives – « La foudre au Capitolin tombe ! » – et j'étais tout à mon affaire lorsqu'il s'agissait d'apprendre par cœur puis de réciter, bien droit à côté du banc, en mettant de l'expression. Comme j'étais ému et intimidé ! Pourquoi ces lambeaux de poésies ont-ils résisté à l'usure du temps… à tous les sédiments qui se sont accumulés sur ces années studieuses et en définitive heureuse ? Je ne saurais le dire.
J'ai décidé l'été dernier (l'année de mes 60 ans) de ratisser ma mémoire, de partir à la recherche de ces mots enchantés et de reconstituer, l'un après l'autre, le puzzle de mes poésies d'enfance, les plus belles, les plus impérissables. Surprise, surprise… Avec un moteur de recherche, ce devrait être facile, non ? Par exemple, si ce matin je tape « Aimons donc, aimons donc ! De l'heure fugitive, hâtons-nous, jouissons ! " ou encore « Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices, suspendez votre cours…» - ces fragments qui surnagent dans ma mémoire indocile - que va-t-il se passer ? La méga mémoire d'Internet va-t-elle reconstituer sur-le-champ le poème de… de qui au juste ? Allez, c'est parti, ma campagne de fouilles lexicales est ouverte.

« À moi, Google, deux mots! » - Parle ! – Ôte-moi d'un doute…

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mardi 25 mars 2008

COMÉDIE DES HOMMES CÉLÈBRES

Ceux des hommes célèbres qui ont besoin de leur gloire, tels par exemple les politiciens, ne choisissent plus jamais sans arrière-pensée leurs alliés et leurs amis :

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vendredi 21 mars 2008

MAI EN MARS

22 mars 1968 : début des événements sous la conduite de Danny le Rouge à Nanterre. Révolte des jeunes contre une université injuste et ringarde. Mouvement qui allait faire tâche d'huile jusqu'aux ouvriers grévistes de Billancourt. Toi, où étais-tu ? Que faisais-tu ? Qu'espérais-tu ? Et… qu'es-tu devenu quarante ans plus tard ?

Quelques phrases choc, entre gauchisme et surréalisme, pour nous rafraîchir la mémoire et ranimer notre belle utopie rimbaldienne.

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jeudi 20 mars 2008

LA COPIE RETROUVÉE

Surprise et émotion ! Je viens de retrouver dans un vieux dictionnaire une « narration » - c'est ainsi qu'on appelait à l'époque (en 1960) les devoirs de composition française. La copie double que j'ai sous les yeux comportait une marge dans laquelle le maître notait ses observations à l'encre rouge, de gros carreaux et l'écriture de l'élève était tracée à l'encre bleue (Je me souviens avoir eu pour ma Communion Solennelle un magnifique stylo de la marque « Parker »). Comme on était dans un Petit Séminaire, chaque élève se devait d'écrire en haut et à gauche la formule cabalistique : « J.M.J. aidez-moi ! » Bref, pour en revenir à cette fameuse copie, voici le sujet qui était demandé (à des gamins de 12-13 ans ! Ô culture d'autrefois… pauvre Xavier Darcos ! ) : « Une maladie nous fait devenir le centre du monde. Toute notre vie intérieure, sensations, sentiments, réflexions… est centrée sur notre état. L'avez-vous observé ? Quand ? »

J'ajoute que ce jour-là Jésus, Marie et Joseph ont dû beaucoup m'aider : j'obtins 17/20, avec seulement 3 fautes d'orthographe et la mention « Presque T.B. » !

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mercredi 19 mars 2008

LE DER DES DER

Au moment où disparaît le dernier des Poilus, pacifiste de surcroît, c'est le moment ou jamais de lui dédier ces trois textes emblématiques.
(À quand un solennel hommage de la République aux vaillants soldats de la Guerre d'Algérie, notre troisième guerre du XXème siècle, celle qui reste honteuse et maudite…)

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mardi 18 mars 2008

COMME C’EST CURIEUX !

Qui n'a jamais lu – mieux, qui n'a jamais vu joué au Théâtre de La Huchette à Paris dans la mise en scène originale de Nicolas Bataille – « La cantatrice chauve" , célèbre anti-pièce d'Eugène Ionesco, ne sait pas ce que c'est que le théâtre.Je dédie cet extrait à mon ami le comédien Denis Daniel (qui est irrésistible dans le rôle de M. Smith).

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lundi 17 mars 2008

PORTRAITS

Aujourd'hui, on a la photo numérique très haute fidélité garantie, pixels et Cie. Quand je prends un livre, Giono par exemple, je lis les mots magiques, le déclic se produit, j'imagine formes et couleurs, dégaines et mimiques, pensées et sentiments, comédie ou drame… et je me réjouis de n'avoir aucun autre capteur haute définition que le génie de l'écrivain.

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vendredi 14 mars 2008

CONTRE L'ENNUI

« Percevoir et agir, voilà les vrais remèdes » nous dit aujourd'hui notre cher philosophe. C'était déjà la conviction de Goethe : « Garde-toi dans la vie de rien différer : que ta vie soit l'action, encore l'action. »
Pour que s'effrite en nous le mortifère ennui…

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jeudi 13 mars 2008

ÉCRIRE

Ah ! la sublime profession du foi (en l'Homme surtout), tout à la fin de ce livre phare qui fait mes délices, me justifie et m'écrase de son talent. L'enfance, la sienne, la mienne, toujours à l'affût sous les mots et la passion intacte - enthousiasme et douleur mêlés - pour l'homme, ce génial va-nu-pieds. Pour la Culture aussi qui est son indispensable miroir.

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mercredi 12 mars 2008

SURINFORMATION : DANGER

Ryszard Kapuscinsji, mort en 2007, était écrivain et journaliste. Son dernier livre, « Autoportrait d'un reporter » chez Plon pose un regard limpide et nécessaire sur les médias.

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mardi 11 mars 2008

LE MANOIR DE MERVAL (suite)

Ça y est, finie la longue panne d'inspiration, mon nouveau roman est reparti. Après un délicieux week-end dans le Sud-Ouest (y aurais-je rencontré ma Nadejda von Meck à moi ?) et plusieurs heures de relecture dans le TGV, je crois à nouveau à ce roman d'aventures qui sera touffu, délirant et plein de rebondissements. Il aura près de 500 pages, parution en automne… si Pouet-Pouet me prête vie ! Qu'on se le dise.

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lundi 10 mars 2008

SEUL DANS LA FOULE

Une seule chose est nécessaire : la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer, des heures durant, personne - c'est à cela qu'il faut parvenir. Etre seul comme l'enfant est seul quand les grandes personnes vont et viennent, mêlées à des choses qui semblent grandes à  […]

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samedi 8 mars 2008

PETITE LEÇON DE PSYCHOLOGIE : LE PERVERS NARCISSIQUE

Toute ressemblance avec un personnage politique existant ou ayant existé etc. etc.

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vendredi 7 mars 2008

POÈMES D’ENFANCE (8)

Très souvent remontent à la surface de ma mémoire des lambeaux de poèmes… un demi vers boiteux par ci… un octosyllabe estropié par là… parfois juste quelques mots agrippés à une rime. Par exemple : « Midi, roi des étés épandu sur la plaine… » ou «…le coup dut l'effleurer à peine, aucun bruit ne l'a révélé mais la légère meurtrissure… » Ensuite, plus rien, le cerveau capitule : un grand blanc. J'enrage, j'épelle à mi-voix pour retrouver le Sésame. Toujours rien. Pas moyen de trouver la suite mais il suffirait peut-être de gratter par ci, de dépoussiérer par là… peut-être… c'est si lointain, un demi-siècle ! C'est si proche, encore si vivant en moi lorsque je ferme les yeux pour ressentir dans mon esprit embué toute cette imagerie verbale qui palpite et bat encore comme un petit cœur obstiné. Fragments d'enfance !
En ce temps-là (dans les années cinquante soixante), boule rase et blouse grise, j'étais un élève modèle dans mon petit séminaire austère. On faisait ses Humanités, comme on disait à l'époque. Le grec et le latin étaient à l'honneur, Bordas était notre Bible, un certain Calvet peut-être aussi, en moins rutilant. J'étais 1er de classe à peu près en tout (sauf en gymnastique), année après année, collectionnant les billets d'honneur qui étaient roses et les livres de Prix fin juin (ils étaient ennuyeux car c'était souvent des vies de Saints). J'adorais déjà les mots, les strophes bien rythmées, les alexandrins fiers et musclés, les métaphores et les harmonies imitatives – « La foudre au Capitolin tombe ! » – et j'étais tout à mon affaire lorsqu'il s'agissait d'apprendre par cœur puis de réciter, bien droit à côté du banc, en mettant de l'expression. Comme j'étais ému et intimidé ! Pourquoi ces lambeaux de poésies ont-ils résisté à l'usure du temps… à tous les sédiments qui se sont accumulés sur ces années studieuses et en définitive heureuse ? Je ne saurais le dire.
J'ai décidé l'été dernier (l'année de mes 60 ans) de ratisser ma mémoire, de partir à la recherche de ces mots enchantés et de reconstituer, l'un après l'autre, le puzzle de mes poésies d'enfance, les plus belles, les plus impérissables. Surprise, surprise… Avec un moteur de recherche, ce devrait être facile, non ? Par exemple, si ce matin je tape « J'ai souri de l'entendre et plus souvent pleuré…» ou encore « Une biche attentive se suspend immobile… » - ces fragments qui surnagent dans ma mémoire indocile - que va-t-il se passer ? La méga mémoire d'Internet va-t-elle reconstituer sur-le-champ le poème de… de qui au juste ? Allez, c'est parti, ma campagne de fouilles lexicales est ouverte.
« À moi, Google, deux mots! » - Parle ! – Ôte-moi d'un doute…


Je dédie ce poème à la Dame des Pyrénées disparue récemment et dont le rire homérique et l'amitié chaleureuse nous manquent tant !

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jeudi 6 mars 2008

RENCONTRER L’ETRANGER, CET EVENEMENT FONDAMENTAL

Aujourd'hui, je propose un texte copieux. Mais ça fait tant de bien de réfléchir avec quelqu'un qui sait penser et écrire ! Mon petit truc ? J'imprime l'article quand il est long et substantiel, et puis, dans le train qui m'amène au travail (une heure pour aller, une heure pour le retour), je le lis tranquillement. Du moins, j'essaie en faisant abstraction des baladeurs qui grésillent et des portables qui m'agressent avec leurs sonneries d'appel plus stupides les unes que les autres. On n'arrête pas le progrès ! Mais, basta, revenons à l'essentiel – la rencontre de l'étranger – et à cet auteur qui me fascine aujourd'hui et que je découvre bien tardivement.

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mercredi 5 mars 2008

NOUS, LES SEXAGÉNAIRES AUX 40 PRINTEMPS…

« En mai 1968, nous avons pensé autrement, voulu autre chose. La preuve, ce sont les voix dénigrantes qui voudraient clore ce chapitre de notre aventure ou résonnèrent des thèmes majeurs, la justice sociale, les Lumières, le souci de l'universel. »

Cette année-là, j'avais 21 ans. Autant dire que ce beau texte de Pierre Bergounioux m'a violemment ému et mobilisé. Merci à lui.Mais la nostalgie n'est féconde que si elle se transforme en action et redevient utopie.

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mardi 4 mars 2008

UNE SENTEUR DE THYM

Simple hommage poétique - et amical merci ! - à mon cuisinier du dimanche qui, après la visite des Halles de Versailles, me gratifia le week-end dernier d'un fameux turbot aux onctueux filets, d'une côte de bœuf cuite à point et, le soir, d'une soupe à la paysanne veloutée d'une patate douce et parfumée des restes de poulet.
(Ce matin, en voyant s'éloigner l'Ami sur sa grosse cylindrée, je me suis surpris à murmurer : « Adorable garçon ! » C'est bête l'amour, n'est-ce pas ?)

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lundi 3 mars 2008

TOUT S’ÉCOULE

« Παντα ρει». C'est ma maxime philosophique préférée. Merci Héraclite ! Je m'en sers au moins trois fois par jours. Un événement heureux à l'excès ? Je m'enthousiasme, je m'exalte, je m'énerve, je deviens fébrile de bonheur ? Παντα ρει Calme-toi, Bellinus, le bonheur est volatile et ton soufflé va retomber. Je souffre de céphalée, je m'ennuie à mourir un jour de pluie, je suis coincé 4 heures en TGV à côté d'une pouffe suintante de patchouli ? Παντα ρει Calme-toi, Michel : demain ton chagrin prend fin.
Essaie, ami, ce procédé antique : c'est fou comme on devient cool, serein, badin, détaché de l'inessentiel. Du coup, la vie est dédramatisée et le trépas apprivoisé. (Même Sarko est un nada en devenir !) Rien n'est si grave puisque tout prend fin. Mais tout est capital puisque tout est encore offert. À saisir d'urgence sans capitaliser ! À gaspiller sur-le-champ sans comptabiliser ! Etre plus en ayant moins.

Oui, la plus infime miette devient délicieuse car le banquet tire à sa fin. Savoure-la, tais-toi et salue nu l'aube nouvelle : un jour de plus en moins !

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