novembre 2008 (23)

samedi 29 novembre 2008

FUMER VIVIFIE

Je me suis donc mis à fumer, de plus en plus, quoique raisonnablement. Je ne me sens pas (encore) dépendant, mais léger, euphorique, libre car je choisis mes meilleurs moments de bien-être et de disponibilité intérieure pour téter mes cigarillos parfumés à la vanille. Ce n'est donc pas un esclavage, juste un épicurisme de bon aloi : ces volutes bleues, ce geste élégant pour porter aux lèvres l'objet oblong, cette liberté souveraine de n'en déguster qu'un par jour, le malin plaisir de transgresser avec Robert, la saveur à la fois âcre et douceâtre, pour moi - outre que c'est un geste de liberté insolente (puisque fumer est de plus en plus politiquement incorrect) - c'est surtout un acte à portée philosophique : comme le tabac vanillé a un bon goût doux-amer, ainsi la vie a bon goût de bonheur éphémère… ainsi mon désespoir se fait badin et volatil… ainsi le bonheur est frelaté mais très momentanément et très provisoirement indispensable. Oui, la nicotine tue lentement et savoureusement, mais quelle importance ? dis-moi, puisque vivre, c'est perdre du terrain pour devenir un jour enfin cendre légère dispersée au vent et fumée bleue au Paradis des rêves clairs et immortels !

Et une fois de plus, c'est le Poète qui a raison (aujourd'hui Jules Laforgue) et non le politicien puritain et casse-couilles.

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vendredi 28 novembre 2008

CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS (31)

À partir du vendredi 25 avril 2008, et ce désormais avant chaque week-end, je mets en ligne un manuscrit inédit « CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS, Chronique d'une mélancolie».
Prochainement édité par les éditions de L'Harmattan dans la collection « Ecritures », ce 12ème opus sortira en décembre 2008. Du coup, je retravaille et peaufine le manuscrit jusqu'au dernier moment. Et en attendant, rien ne change : je continuerai chaque fin de semaine à mettre en ligne le Journal de Paul.
Partons donc sans plus attendre - et en avant-première - à la découverte de ce petit Paul de Montclairgeau durant les deux dernières années de sa vie, dans son Jura natal et à Paris ou il dépérit, ce jeune homme qui est si touchant, si contemporain, si rimbaldien, si agaçant aussi… et qui ressemble un peu à l'auteur comme un frère… forcément ! Puisque c'est ma propre adolescence que je réécris à titre posthume en y injectant ma fièvre et mes utopies de jeune homme prolongé et de moins en moins mûr (mais je préfère être immature tardif que prématurément blet!)

Embarquons donc pour cette Chronique d'une mélancolie, en se remémorant chaque fois les deux citations en exergue de l'œuvre et qui dès le porche l'éclairent :

On ne peint bien que son propre cœur, en l'attribuant à un autre.
CHATEAUBRIAND

Ah ! l'égoïsme infini de l'adolescence, l'optimisme studieux : que le monde était plein de fleurs cet été ! Les airs et les formes mourant… - Un chœur, pour calmer l'impuissance et l'absence ! Un chœur de verres, de mélodies nocturnes… En effet les nerfs vont vite chasser.
RIMBAUD

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jeudi 27 novembre 2008

BON ANNIVERSAIRE !

Claude Lévi-Strauss, 100 ans demain, ce n'est pas rien ! Chapeau et pour l'homme et pour l'œuvre. En 1955, son livre fit l'effet d'une bombe. Dans un style impeccable (quelle prose magnifique !), après avoir confessé dans les premières pages (voir l'extrait ci-après) son aversion pour les voyages, l'auteur aboutissait à un constat pour le moins désabusé : l'arrogante civilisation occidentale ne semble amener partout que guerre et désolation, provoquant l'extinction de nombreuses peuplades « primitives » et dévastant l'écosystème. C'était il y a un demi-siècle ! De ce point de vue, les tropiques paraissent bien « tristes », car les voyages nous montrent finalement « notre ordure lancée au visage de l'humanité »... Ouvrage poignant, Tristes tropiques porte en soi le remords de l'Occident et la difficile posture de l'ethnologue, écartelé entre des mondes inconciliables.

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mercredi 26 novembre 2008

UTOPIE ICI, LÀ RADOTAGE

On sait que les Propos d'un Normand du philosophe Alain ont paru chaque jour sous ce titre dans la Dépêche de Rouen, du 16 février 1906 au 1er septembre 1914. La série entière comprend 3098 propos qui semblaient voués à l'oubli. Mais quelques lecteurs fervents s'entendirent pour conserver, parmi ces courts textes quotidiens, ceux qu'ils avaient le plus admirés.
Au sujet de ces Propos vivifiants, parfois drôles, Jean Jaurès écrivait le 15 mars 1914 : « Ce sont des notes rapides sur les sujets les plus variés et j'y trouvai un sens si tranquille et si pénétrant de la réalité, une telle force d'observation et d'analyse, une attention si exacte de n'être jamais dupe des apparences et des fictions, et en même temps un style si pur, si souple, si pénétrant que j'éprouvai un enchantement d'esprit. » Il ajoutait : « Les Propos me paraissent, à bien des égards, un des chefs-d'œuvre de la prose française. »
Quant à moi, un siècle plus tard, je ne cesse de m'en nourrir et souvent de me réjouir ! De les appliquer aussi à moi-même car la nature humaine ne change pas et il faut de bons experts pour l'étudier et, si possible, l'améliorer.

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mardi 25 novembre 2008

LIZ D’ÉGYPTE

Il y a quelque cinquante ans à peine, alors que j'étais un infime ver de terre (prépubère), je tombai soudain amoureux d'une étoile : Liz Taylor en personne ! À l'époque, j'étais embastillé dans mon séminaire et je me demande encore aujourd'hui comment l'aventure fut possible. Où avais-je trouvé l'adresse de la star à Los Angeles ? Pourquoi ma Pharaonne avait-elle daigné me répondre de longs mois plus tard ? Comment son courrier « air mail » avait-il pu échapper à la censure de Monsieur le Supérieur ? Comment cette improbable idylle allait-elle se terminer alors que s'effilochaient sur les murs de la ville les immenses affiches du nanar en technicolor ? La fin du flirt – que je ne raconterai pas ici – fut assez tristounette et la nostalgie n'est plus ce qu'elle était…

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lundi 24 novembre 2008

LA VESPASIENNE

Hier matin, dans la solitude de Garches, emmitouflé dans des lainages risibles, je prolongeai mon petit déjeuner par la lecture d'un de mes auteurs favoris : Pier Paolo Pasolini. Je suis tombé par hasard sur un récit à l'évidence autobiographique et qui m'a violemment ému. Je dus alors sortir - dans le jardin qui n'est qu'abandon et désolation - et là, savourant mon cigarillo, étrangement, je me sentis bien, refluant vers mon enfance, vers l'été, vers l'innocence perdue, quand rien n'est encore peccamineux : tout n'était alors que curiosité, sensation, vertige, fascination, promesse et impalpable danger. Pier Paolo explique très bien cela ailleurs : la perte de la pureté originelle, ce n'est pas au moment de la première masturbation furtive ; c'est lorsqu'on commence à s'endurcir, à se blinder, à ressembler aux adultes, à entrer dans leur clan. Le rêve de l'impalpable et incommensurable Beauté peu à peu s'effiloche alors tandis que se met en place un long processus de décomposition et de socialisation ; de reniement à soi-même et à cette sorte d'ingénu Absolu. Qui peut faire le deuil de cette innocence à jamais perdue puis dévoyée par souci de réalisme ? Mais la nature elle-même est réaliste ! Son seul objectif : survie et reproduction. Puis renaissance : de la désolation du jardin abandonné resurgiront les roses et les guêpes dorées.Mais l'amour, lui, une fois refroidi, ne se recongèle plus…

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samedi 22 novembre 2008

HELP ! MA MUSE !

À 7000 kilomètres de distance (et des poussières), l'Ami m'aide à peaufiner mon texte de 4ème de couverture pour CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS (à paraître dans trois semaines environ). Je dois rendre ma copie lundi et j'hésite... C'est drôle, lui, le cher “handicapé émotionnel ”, me suggère un adjectif que je n'avais pas osé mettre et que j'adopte avec reconnaissance : « passionné ». Ok, c'est noté. Et puis, il m'embarrasse : ne pourrais-tu pas, me suggère-t-il, écrire Muse au masculin ? Du coup, je sèche, je ne vois pas à qui pourrait ressembler mon petit Paul (mon inspirateur ? mon Pygmalion ?). Vraiment en panne, je me ballade sur Google et, de clic en clic, je tombe sur un extrait théâtral qui m'amuse, à défaut de me mettre sur la voie. Problème : nulle part ne sont mentionnés le nom de l'auteur ni le titre de la pièce.
Que l'auteur fantôme me pardonne donc et peut-être se trouvera-t-il un(e) Internaute pour m'aidera soit à dénicher l'équivalent masculin de Muse soit pour m'indiquer les références bibliographiques de l'œuvre citée !Poète, prends ton luth et me donne un baiser !

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vendredi 21 novembre 2008

CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS (30)

À partir du vendredi 25 avril 2008, et ce désormais avant chaque week-end, je mets en ligne un manuscrit inédit « CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS, Chronique d'une mélancolie».
Prochainement édité par les éditions de L'Harmattan dans la collection « Ecritures », ce 12ème opus sortira en décembre 2008. Du coup, je retravaille et peaufine le manuscrit jusqu'au dernier moment. Et en attendant, rien ne change : je continuerai chaque fin de semaine à mettre en ligne le Journal de Paul.
Partons donc sans plus attendre - et en avant-première - à la découverte de ce petit Paul de Montclairgeau durant les deux dernières années de sa vie, dans son Jura natal et à Paris ou il dépérit, ce jeune homme qui est si touchant, si contemporain, si rimbaldien, si agaçant aussi… et qui ressemble un peu à l'auteur comme un frère… forcément ! Puisque c'est ma propre adolescence que je réécris à titre posthume en y injectant ma fièvre et mes utopies de jeune homme prolongé et de moins en moins mûr (mais je préfère être immature tardif que prématurément blet!)
Embarquons donc pour cette Chronique d'une mélancolie, en se remémorant chaque fois les deux citations en exergue de l'œuvre et qui dès le porche l'éclairent :

On ne peint bien que son propre cœur, en l'attribuant à un autre.
CHATEAUBRIAND

Ah ! l'égoïsme infini de l'adolescence, l'optimisme studieux : que le monde était plein de fleurs cet été ! Les airs et les formes mourant… - Un chœur, pour calmer l'impuissance et l'absence ! Un chœur de verres, de mélodies nocturnes… En effet les nerfs vont vite chasser.
RIMBAUD

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jeudi 20 novembre 2008

COMME LA BIÈRE A GOÛT DE BIÈRE …

« “Comme la fraise a goût de fraise… ” Je relis souvent le Propos d'Alain, je le trouve toujours aussi beau et d'une beauté qui ne ment pas. Non, certes, qu'Alain n'ait vécu que cela, que ce goût de bonheur, que cette vie allègre et savoureuse. Il avait ses moments de fatigue, de colère, de dégoût. Mais il a dû vivre cela aussi, cette vitalité heureuse, cette joie de tout l'être, et chacun sans doute en est capable, au moins un peu, au moins parfois.

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mercredi 19 novembre 2008

LE VEUF, L’INCONSOLÉ… hi ! hi ! hi !

Hier, l'Ami au loin, tentant de me remonter le moral, me citait cette phrase d'un Sénégalais qui, en vendant ses colifichets, tel Mr Jourdain (qui n'en vendait pas, lui), faisait sans doute de la philosophie sans le savoir. « Quand on n'a pas ce que l'on veut, on se contente de ce que l'on a. » Bluffant, non ? Voilà en quelques mots tout Epictète, Montaigne, Schopenhauer, Alain et Spinoza réunis ! Cette phrase du Sage africain m'a tellement fait rire, hurlé de rire, que, du coup, je vais mieux et, pour prolonger la cure, rien ne vaut la Littérature qui, au deuxième ou troisième degré, est un formidable adjuvant et un irrépressible décontractant ! Y a bon la philo, mon frère !

En tout cas, c'est Chamfort qui mettra tout le monde d'accord, y compris ce pauvre Nerval : « La plus perdue de tes journées est celle où tu n'as pas ri. »

Chiche ?

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mardi 18 novembre 2008

COMME LA FRAISE A GOÛT DE FRAISE…

Voici l'une des plus belles pages de mon philosophe préféré. Non pas la plus belle, la plus tonique, celle qui fait du bien, comme un massage salutaire ou une musique relaxante. Si je la relis ce matin, si patiemment, comme presque chaque jour, je l'ai transcrite sur ce blog, c'est d'abord parce qu'elle m'a fait du bien à moi-même, c'est parce que chaque mot tapé sur le clavier était une vitamine que j'introduisais en moi-même, le virus du bonheur qu'à nouveau je tente de m'inoculer. Puisque tout part et revient au corps. Pour finir, on souffre et on meurt toujours de maladie. Et les mots ont cette capacité d'alléger sinon de guérir tout à fait certains maux…
Le plus étrange, c'est qu'Alain écrivit cette chronique ô combien stimulante le 29 mai 1909, le lendemain de la mort d'un adolescent qui s'était suicidé. Et Comte-Sponville d'ajouter dans un commentaire : « C'est cela, cette horreur, qu'il s'agit de penser, de comprendre, de surmonter. ‘La vie n'a plus la saveur de la vie. Plaisir aussi bien que douleur, tout est comme frelaté ; l'action est comme une source tarie…' Et le lecteur partait avec ces deux trésors, un peu de lumière, un peu de nuit, la mort d'un lycéen, l'amour de la vie, l'un et l'autre mêlés, indissociablement, puisque aucune mort n'est triste qu'autant que la vie est aimable… Je relis souvent ce Propos, je le trouve toujours aussi beau, et d'une beauté qui ne ment pas. »(André Comte-Sponville in Impromptus, Puf, 1996).

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lundi 17 novembre 2008

PAROLE DE POÈTE

« (Un poète), c'est toujours un pays qui marche, boiteux parfois, cassé, cagneux, tanguant, tout ce qu'on voudra, mais debout, en avant, dressé comme une forêt, même si c'est son ombre toujours sur la terre qu'on voit, ou son reflet. L'illusion est complète pour qui croit le comprendre. Lui-même n'y comprend rien. Se laisser porter deçà, delà, pareil à la feuille morte. Va, vit, vibre, hirsute, ivre de jouir. Fait la nique à son image ou s'y noie. Insatisfait toujours, quoi qu'il arrive, traînant dans sa langue un pays d'exil, un paradis d'échoset tout le reste est littérature."
Merci à Jacques de m'avoir envoyé ce texte et de m'avoir fait découvrir Guy Goffette. D'emblée, cette autre voix m'est devenue chère et puisque l'homme au chapeau noir connaît et apprécie Verlaine, Rimbaud, la Bible… et l'arôme du café dans les petits matins blêmes, j'ai déjà l'impression qu'on est de la même famille !
En plus court, cette autre définition du poète belge : "La poésie est le journal intime d'un animal marin qui est sur terre et qui veut voler."

Et puisque nous sommes tous des poètes, aujourd'hui, si tu le veux bien, même si tous les deux nous sommes très lourds et très gauches, volons, voletons du moins, élevons-nous… tentons d'échapper à nos mesquines pesanteurs dans un monde à bout de souffle, à bout d'amour !
(Mais – dit le Poète – pouvons-nous détourner le cours forcé de nos biographies ?)

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vendredi 14 novembre 2008

CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS (29)

À partir du vendredi 25 avril 2008, et ce désormais avant chaque week-end, je mets en ligne un manuscrit inédit « CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS, Chronique d'une mélancolie».
Prochainement édité par les éditions de L'Harmattan dans la collection « Ecritures » [souscription en cours jusqu'au 15 novembre prochain : formulaire disponible à la suite de l'extrait proposé infra], ce 12ème opus sortira en décembre 2008. Du coup, je retravaille et peaufine le manuscrit jusqu'au dernier moment. Et en attendant, rien ne change : je continuerai chaque fin de semaine à mettre en ligne le Journal de Paul.
Partons donc sans plus attendre - et en avant-première - à la découverte de ce petit Paul de Montclairgeau durant les deux dernières années de sa vie, dans son Jura natal et à Paris ou il dépérit, ce jeune homme qui est si touchant, si contemporain, si rimbaldien, si agaçant aussi… et qui ressemble un peu à l'auteur comme un frère… forcément ! Puisque c'est ma propre adolescence que je réécris à titre posthume en y injectant ma fièvre et mes utopies de jeune homme prolongé et de moins en moins mûr (mais je préfère être immature tardif que prématurément blet!)
Embarquons donc pour cette Chronique d'une mélancolie, en se remémorant chaque fois les deux citations en exergue de l'œuvre et qui dès le porche l'éclairent :

On ne peint bien que son propre cœur, en l'attribuant à un autre.
CHATEAUBRIAND

Ah ! l'égoïsme infini de l'adolescence, l'optimisme studieux : que le monde était plein de fleurs cet été ! Les airs et les formes mourant… - Un chœur, pour calmer l'impuissance et l'absence ! Un chœur de verres, de mélodies nocturnes… En effet les nerfs vont vite chasser.
RIMBAUD

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jeudi 13 novembre 2008

L’INOXYDABLE CASTAFIORE

Le metteur en scène et comédien Nicolas Bataille est mort, mardi 28 octobre, à son domicile parisien. Il avait mis en scène la création de « La Cantatrice chauve » de Ionesco au Théâtre de la Huchette (première le 11 mai 1957). Cinquante et un ans plus tard, la pièce a été vue par un million et demi de spectateurs ! Comme disait l'auteur « Un grand succès dans un petit théâtre vaut bien mieux qu'un petit succès dans un grand théâtre, et encore mieux qu'un petit succès dans un petit théâtre. » Quant à Nicolas, qui a mis en scène de nombreux auteurs contemporains et s'est intéressé avant tout le monde à la comédie musicale (« Twist Appeal » date de 1962), c'était un homme discret et affable, très bon comédien et fuyant les feux de la rampe. Car l'amour du théâtre est incompatible avec la fascination de la gloire.

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mercredi 12 novembre 2008

ALFREDO ORMANDO

Lorsque, submergé par l'émotion, j'ai écrit les dernières pages de mon récit (la lettre d'adieu de Loïc à son cher écrivain-conseil), j'ai pensé très fort à Alfredo Ormando, à sa solitude, à sa détermination farouche. Catholique fervent, il était entré dans un séminaire franciscain puis dans un monastère, qu'il quitta deux ans plus tard pour travailler en tant qu'écrivain. Sa trilogie Il Dubbio, L'Escluso et Sotto il cielo d'Urano reste inédite. Son roman Il Fratacchione (le gros moine), qu'il publie à ses frais en 1995, rend compte de sa vie au monastère, déjà marquée par une tentative de suicide, et de son conflit entre la spiritualité et les désirs de la chair.
Le 13 janvier 1998, il s'immola par le feu à Rome sur la place Saint-Pierre pour protester contre l'attitude de l'Église catholique envers les homosexuels. Il est mort quelques jours plus tard dans d'atroces souffrances à l'hôpital romain de Sant'Eugenio, après que des policiers témoins du drame aient tenté d'éteindre les flammes.
Alfredo a laissé une lettre dans laquelle il déclare :

« Je vis dans la certitude de laisser la vie terrestre, ce qui ne m'horrifie pas, au contraire ! Je n'ai pas hâte d'en finir avec la vie ; ils penseront que j'étais fou parce que j'ai choisi la Place Saint Pierre pour m'incendier, alors que je pouvais le faire tout aussi bien à Palerme.J'espère qu'ils comprendront le message que j'ai voulu donner ; c'est une forme de protestation contre l'Église qui diabolise l'homosexualité, diabolisant par là-même la nature, parce que l'homosexualité est sa fille. »Le porte-parole de l'Eglise, Ciro Benedettini, affirma que le suicide était dû à des motifs familiaux. Tous les ans, une manifestation devant Saint-Pierre de Rome rappelle son immolation. Un documentaire intitulé « Alfredo's Fire, the Clash between Faith and Sexuality » est en préparation.Alfredo Ormando est le dédicataire, à titre posthume, de Ieschoua mon amour.

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mardi 11 novembre 2008

GUERRE TOTALE

Clémenceau, dès 1917, parlait plutôt de « guerre intégrale » mais la réalité est la même : l'horreur intégrale. Un gros livre - « Les Croix de Bois » - raconte la vie dans les tranchées. Ce qui reste de la vie : la tambouille, les obus, la camaraderie, la boucherie et la mort. Récit classique de la Grande Guerre, ce roman du journaliste Roland Dorgelès touche encore par son humanité et sa sensibilité virile. Quant à moi, quel que soit le débat sur les commémorations, j'ai une pensée émue ce matin pour Gabriel, mon grand-père, fin lettré et amateur de vin jaune. Il perdit durant les combats la moitié du nez et son genou gauche fut arraché. Il venait de se marier quand il partit pour le front et fut salement touché à Verdun… mais il s'en tira et clopin clopant vécut longtemps avec son fichu caractère, son gaullisme primaire, son insupportable rigorisme (pas moyen de lorgner le moindre baiser à la télé) et un cœur gros comme ça. Sacré pépé !

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lundi 10 novembre 2008

EGOMEDIATIQUE

Les média sont un formidable instrument de surinvestissement du Moi. Ils nous tiennent au courant des multiples menaces qui nous entourent, ils nous informent sur le cancer, l'alcoolisme, les maladies sexuellement transmissibles et autres, ils sont des caisses de résonance des différents dangers qui nous guettent sur les routes, sur les plages, dans les contacts, ils signalent les précautions à prendre pour garder la forme et assurer sa sécurité. Tous ces flots d'informations ont des effets centripètes, ils poussent les individus à mieux s'observer, à gérer « rationnellement » leur corps, leur beauté, leur santé, à veiller plus attentivement sur eux-mêmes, alertés qu'ils sont par la tonalité inquiétante, parfois catastrophique des émissions.

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samedi 8 novembre 2008

TOUS BOURREAUX

Je m'éveille très tôt ce matin avec le poignant 16ème quatuor de Beethoven – son dernier – et avec ce sentiment qui me coince le cœur dans un étau : incommunicabilité. Frontière infranchissable. Chacun est enfermé dans son mystère, dans son silence, dans son absence. Parvient-il du moins à être au clair avec lui-même ? C'est si rare, si fugace, si fragmenté. Bulle égotique. Quasi impossibilité en tout cas de partager, fût-ce durant quelques menus instants, ce qui traverse l'autre, son émotion, sa vibration intime, son tourment, son bonheur, son interrogation du moment, sa parcelle d'humanité. Si l'Ami avait été là ce matin, à mes côtés, peut-être que, comme à l'accoutumée, nous aurions étreint nos mains pour écouter dans la pénombre complice. Mais cela aurait-il suffit ? Qu'aurais-je su de lui ? Davantage su ? Qu'aurait-il compris de moi ? Qu'aurait ajouté cet instant de fugace communion à notre « nous » improbable… juste ces quelques notes de musique… deux épidermes en contact… deux gisants en sursis… pétrification du Temps faite d'un bonheur sublime et d'un incommensurable désespoir. De toute façon, il est parti…

Et le problème reste non résolu, complexe, obsédant : incommunicabilité. Nous ne sommes qu'une collection de bipèdes juxtaposés, indifférents, autistiques. Chacun est opaque, quelque part mythomane et plus ou moins faussaire. Chacun en définitive, quels que soient ses vertueuses protestations et ses élans altruistes, n'est préoccupé que d'une seule chose : sauver sa peau alors que la durée d'ores et déjà nous condamne au pire. Malhabiles à (sur)vivre et dévorés de rêves, tous des prématurés condamnés à mourir. Et nos amours avec…

Ne reste plus alors qu'à s'en consoler avec le Streichquartet opus 135.
Lento assai e cantante tranquillo…

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vendredi 7 novembre 2008

CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS (28)

À partir du vendredi 25 avril 2008, et ce désormais avant chaque week-end, je mets en ligne un manuscrit inédit « CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS, Chronique d'une mélancolie».
Prochainement édité par les éditions de L'Harmattan dans la collection « Ecritures » [souscription en cours jusqu'au 15 novembre prochain : formulaire disponible à la suite de l'extrait proposé infra], ce 12ème opus sortira en décembre 2008. Du coup, je retravaille et peaufine le manuscrit jusqu'au dernier moment. Et en attendant, rien ne change : je continuerai chaque fin de semaine à mettre en ligne le Journal de Paul.
Partons donc sans plus attendre - et en avant-première - à la découverte de ce petit Paul de Montclairgeau durant les deux dernières années de sa vie, dans son Jura natal et à Paris ou il dépérit, ce jeune homme qui est si touchant, si contemporain, si rimbaldien, si agaçant aussi… et qui ressemble un peu à l'auteur comme un frère… forcément ! Puisque c'est ma propre adolescence que je réécris à titre posthume en y injectant ma fièvre et mes utopies de jeune homme prolongé et de moins en moins mûr (mais je préfère être immature tardif que prématurément blet!)

Embarquons donc pour cette Chronique d'une mélancolie, en se remémorant chaque fois les deux citations en exergue de l'œuvre et qui dès le porche l'éclairent :

On ne peint bien que son propre cœur, en l'attribuant à un autre.
CHATEAUBRIAND

Ah ! l'égoïsme infini de l'adolescence, l'optimisme studieux : que le monde était plein de fleurs cet été ! Les airs et les formes mourant… - Un chœur, pour calmer l'impuissance et l'absence ! Un chœur de verres, de mélodies nocturnes… En effet les nerfs vont vite chasser.
RIMBAUD

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jeudi 6 novembre 2008

SUPRÉMATIE DE L-AMITIÉ

Les sermons sur le mariage sont à la mode. Si j'avais à en faire un, je le ferais sur l'amour et sur l'amitié. Tous sont d'accord pour dire que l'amour ne dure pas plus d'une lune. Il y a peut-être quelques exceptions, mais ce n'est pas la peine d'en parler. Dans presque tous les cas, si l'on veut qu'un mariage soit comme un asile pour les époux, il faut que l'amitié remplace peu à peu l'amour.

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mercredi 5 novembre 2008

18 mars 2008!!!!!O!!!!!B!!!!!A!!!!!M!!!!!A!!!!!4 novembre 2008

Durant la campagne, je n'ai jamais été un obamaniaque écervelé et naïf, seulement un citoyen (du monde) réaliste : l'élection de cet homme sera la Révolution faite chair. Pas moins. C'est donc arrivé et j'ai veillé jusque vers 4 heures ce matin pour le confirmer ici. Déjà, le 18 mars dernier au Musée de la Constitution à Philadelphie (Pennsylvanie), le discours de Barak Hussein Obama résonnait comme le plus formidable et le plus beau discours de toute l'Histoire des Etats-Unis. C'était – c'est désormais – le plus formidable challenge : que l'Amérique change pour redevenir elle-même. Et le monde avec elle.

Ce discours – qu'on a un peu minimisé en France, car on n'a peut-être pas mesuré la portée symbolique de cette réconciliation annoncée (non pas seulement black et blancs, mais aussi pauvres et nantis, jeunes et vieux…) n'est pas un laïus politique habituel, un de plus. Non, il n'est pas impersonnel, démagogique, pas manichéen non plus, pas indigeste comme beaucoup de discours volontaristes brassant du vent et des incantations creuses, rien à voir avec le vibrato sarkozyste qui en a dupé plus d'un. On peut dire que c'est un discours politique postmoderne. Lis-le ce matin, ami(e) internaute, relis-le, fais-le tien. Lis ce texte lucide et généreux, vibre à l'histoire de la petite Ashley et du vieillard noir silencieux, ce n'est pas uniquement la geste américaine, c'est aussi notre histoire, c'est aussi NOTRE PROGRAMME POUR LA FRANCE (qui, soit dit en passant, soutient Obama majoritairement mais n'élirait jamais un fils de harki !!!)

… cette France qui se déshonore par ses usines qui ferment ou délocalisent, par ses financiers véreux qui boursicotent et entassent leurs actions dans des édens fiscaux, par ses campagnes désertées et les ghettos de ses banlieues-dépotoir à qui l'on promet monts et merveille à la moindre étincelle, par ses disputes politiciennes stériles et ses amendement votés en catimini, par son Hôpital public qui dysfonctionne et sa Poste qui veut être cotée en Bourse, par ses enseignants spécialisés méprisés et dont les postes vont être demain supprimés, par ses vieilles gens souvent trop solitaires et aux pensions dérisoires, par toutes ses personnes handicapées qui végètent faute de places et de moyens, par ses zombies en fin de vie à qui l'on se contente d'offrir des discours pieux, par ses homoparents et ses homos tout courts qui ne jouissent pas des droits élémentaires (mariage, procréation, adoption), par ses prisons surpeuplées où l'on se suicide à 16 ans tandis que Madame la Ministre parade en Dior et surtout, surtout, surtout, par ses centres de rétention où l'on ne fêtera pas cette année Noël en famille, ces centres (« les plus clean d'Europe ! » s'est vanté un politicien cynique) qui sont la honte de notre République !

Oui, lisons ce texte et disons avec Obama, avec nos amis Américains enthousiastes - même si nous, Français, nous avons raté notre élection présidentielle : « Cette fois, nous pouvons dire ensemble, cette fois nous pouvons dire : NON ! »

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mardi 4 novembre 2008

L’ASSOURDISSANT SILENCE DE « DIEU »

La foi chrétienne ne m'a pas quitté brusquement. Je dirai qu'elle s'est désagrégée, comme un vieux vêtement qui tombe en poussière… Après avoir quitté le sacerdoce, après la paroisse rurale (j'étais responsable de la chorale en tant que « laïc »), après ma participation active à un Synode en 1992, puis un espoir insensé (le « oui » anglican à l'ordination des femmes), après quelques petits groupes, puis pour finir un seul… puis le malaise de se sentir étrange, de plus en plus étranger ; celui que les bons chrétiens sympas veulent à tout prix consoler sans parvenir à le comprendre. Comme si l'incroyance – puis l'athéisme – restait une coquetterie, une manière de se faire (encore) remarquer alors que le tréfonds de l'âme est complètement nécrosé.

Sale période quand, en plus, le couple (hétéro) va mal et qu'on en sent en soi une autre fausseté, une faille, un terrible secret...

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lundi 3 novembre 2008

QU’ALLEZ-VOUS CHERCHER AU CIMETIÈRE ?

Le culte des morts est une belle coutume ; et la fête des morts est placée comme il faut, au moment où il devient visible, par des signes assez clairs, que le soleil nous abandonne.

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