En ce qui concerne l'évêque d'Hippone, je confirme d'emblée qu'il s'agit bien d'un texte authentique, pas d'une pitoyable bellinade ! Bref,ami lecteur, tu sais – ou tu ne sais pas – qu'Augustin fut un grand spécialiste du Péché Originel. C'était son obsession. Il s'agissait pour lui, une fois constaté le séisme primitif, de restaurer un ordre sexuel d'avant la faute. Cette éthique corporelle, reconstituée à l'identique, réaliserait une vie selon l'ordre de Dieu – donc de l'Esprit – et elle signifierait du même coup la fin d'une vie selon l'ordre de l'Homme, donc de la chair. La chair… Pouah !

Bref, le Docteur de l'Eglise, dans une page réjouissante de La Cité de Dieu, dresse soigneusement la liste de ce que peut… de ce que pouvait accomplir le corps en temps normal, ordinairement, en toute innocence, avant que cette salope d'Ève croque la pomme et que le pauvre Adam recrache les pépins ! En ce temps-là, temps béni si on s'en tient aux prodiges annoncés, juste avant le Péché Originel, l'Homme jouissait, dixit Augustin, d'un total empire sur lui-même, sur ses organes, sur toute la machinerie corporelle : bouger une ou deux oreilles ; ramener la chevelure sur le visage sans l'aide des mains, uniquement par froncements de la peau ; avaler et régurgiter un objet à la demande ; imiter à s'y méprendre des cris d'animaux ou des voix humaines ; transpirer sur ordre ; pleurer à volonté ; entrer en catalepsie selon son caprice sans ressentir, pendant ce temps, piqûres ni brûlures ; ou encore plus fort…

« Nonnuli ab imo sine paedore ullo ita numerosos pro arbitrio sonitus edunt, ut ex illa etiam parte cantare uideantur. »

…j'en arrive à cette page détonante, la faculté de « ceux-là (qui), à volonté, émettent par le bas, sans aucune mauvaise odeur, des sons si bien rythmés qu'ils semblent chanter par cette partie de leur corps », La Cité de Dieu, XIV, 24. (Avec Internet, c'est facile, avec un peu de patience et la connaissance du latin, en 3 clics on est sur le site de Louvain !) Je n'invente rien. C'est écrit noir sur blanc sur le parchemin. Ipsissima verba. La preuve de Dieu par le pétomane heureux. Vivement qu'on retourne au Paradis pour péter en chœur ! C'est tout de même beau la théologie, non ? Même si les voies du Seigneur restent impénétrables… mais pas forcément muettes !

Ps Pour prolonger cette réflexion, on pourra lire avec profit l'incisif essai de Michel Onfray (y compris ses habituelles outrances et approximations) : LE SOUCI DES PLAISIRS, Construction d'une érotique solaire, Livre de poche 9122.