Ce samedi matin, au courrier, un recommandé en provenance de Rome, plus exactement du Vatican. Emotion ! Le courrier que j’attends depuis... un demi-siècle. De quoi s’agit-il ? D’un rescrit papal. « Rescrit », un mot rare au contenu souvent peu avenant voire rébarbatif. Grosso merdo, une lettre du pape portant décision d'un point de droit ou de quelque autre difficulté doctrinale. Il s’agit ici de ce qu’on désignait naguère par les termes « réduction à l’état laïc » (c’était sympa pour les laïcs en question !) alors qu’aujourd’hui on parle plus volontiers de la perte de l’état clérical. Enfin actée. Enfin échappé des jupes de l'Eglise ! Car que dit le Droit Canon (qui ne fleure guère la simplicité évangélique.) :
Can. 290 - L'ordination sacrée, une fois validement reçue, n'est jamais annulée. Un clerc perd cependant l'état clérical :
1 par sentence judiciaire ou décret administratif qui déclare l'invalidité de l'ordination sacrée ;
2 par la peine de renvoi légitimement infligée ;
3 par rescrit du Siège Apostolique; mais ce rescrit n'est concédé par le Siège Apostolique aux diacres que pour des raisons graves et aux prêtres pour des raisons très graves.
Can. 291 - En dehors des cas du can. 290, § 1, la perte de l'état clérical ne comporte pas la dispense de l'obligation du célibat, qui n'est concédée que par le seul Pontife Romain.
Can. 292 - Le clerc, qui perd l'état clérical selon les dispositions du droit, perd en même temps les droits propres à l'état clérical, et il n'est plus astreint à aucune des obligations de l'état clérical, restant sauves les dispositions du can. 291; il lui est interdit d'exercer le pouvoir d'ordre, restant sauves les dispositions du can. 976; il est de ce fait privé de tous les offices et charges, et de tout pouvoir délégué.
Can. 293 - Le clerc qui a perdu l'état clérical ne peut de nouveau être inscrit parmi les clercs, si ce n'est par rescrit du Siège Apostolique
En ce qui me concerne, il ne s’agit pas de sanction mais de rescrit « gracieux ». Un cadeau, quoi. Merci qui ? Merci François ! Et merci à ma persévérance, un brin procédurière, je le concède. Mais, me diras-tu, pourquoi avoir attendu si longtemps pour régulariser ta situation ? Disons que plusieurs essais ont été tentés après mon « départ » en catastrophe et ma grande colère au cœur de l’été 1978, direction non pas Cythère, mais Ciboure pour un voyage de noces aussi impromptu que libérateur. Bref, comme j’aime ce qui est clair et transparent (« Que ton oui soit oui, que ton non soit non » dit mon idole — qui n’a rien à voir avec le catholicisme puisque le Christ est au christianisme ce que Calvi est la calvitie), j’ai donc tenté à plusieurs reprises de clarifier mon statut : dans les années 90… puis en 2005 (avec visite à l’évêché d’Annecy)… puis à l’automne 2023. Chaque fois, ça a coincé, surtout parce que je ne voulais pas d’une victoire à la Pyrrhus mais d’une annulation de mon ordination sacerdotale. Or, selon la théologie de l’Eglise, ce n’est pas possible. Non possumus. Car si un mariage peut être invalidé (pour des raisons très sérieuses, par exemple l’impuissance de Monsieur), eh bien, il n’est pas possible pour un clerc en déshérence de faire annuler son ordination, même si à l’époque, il était (j’étais) gravement immature, que ce jeune prêtre en rupture de ban, après avoir été manipulé par maman, avait été conditionné par ses maîtres enjuponnés depuis l’âge de 9 ans, parmi lesquels figurait un « gentil ogre » séducteur devenu évêque ! D’assez bonnes raisons pour invalider l’ordination, non ? Sauf que nul ne peut vaincre une idéologie multi séculaire et qu’il m’a bien fallu, passer sous les fourches caudines du Dicastère romain représenté par les soussignés Cardinal You Heung sif, Praefectus & Andrès Gabriel Ferrada Moreira, Archiep. Tit. Tiberniennis a secretis (Au secours, Jésus, ces scribes sont devenus fous !).
Bref, les années ont passé et j’ai dû me contenter d’une demi-victoire. Sauf que si on additionne une demi-victoire (le rescrit d’aujourd’hui) et la maxi victoire de l’INIRR par la reconnaissance monnayée de mes deux années de « violences sexuelles », bref, pour finir, une énorme et double victoire, disons un combat en deux rounds (2021-2023 puis 2023-2025), double triomphe indissociable : ma libération totale de l’Institution catholique, que je hais, non pas pour des raisons personnelles mais parce que le catholicisme romain, « impérial » depuis le IVe siècle, a trahi le message de l’Evangile et défiguré le visage de Ieschoua mon Amour, le rabbi palestinien transformé en Jésus-Christ, demeurant néanmoins pour moi prototype de l’Humanité divinisée et de la Fraternité universelle. Or, au XXIe siècle, pour libérer ce Jésus-là – tâche urgente autant qu'exaltante – il n'est qu'une voie : le désincarcérer, le désentraver, le désenchâsser, bref, le LIBÉRER du "déisme" chrétien qui a rendu et continue de rendre notre Jésus des Evangiles mortifère, pour ne pas dire immoral et catholiquement infréquentable. Du coup, même tardivement, même symboliquement, parvenir à me libérer moi-même de l'Ordre des Clercs – désordre moral, contre-sens historique, non-sens évangélique – relevait de l'évidence autant que de la décence. Davantage geste politique que régularisation personnelle. A ce sujet, il est pour le moins piquant que ce mois de mars 2025, par quel heureux hasard ? ait vu se produire la conjonction de deux évènements majeurs : la réception du rescrit papal ET la publication de mon article incendiaire dans la revue La Raison (cf. mon post du 12 mars dernier).
Pour finir en beauté, plutôt que de te traduire la double page en latin émanant du DICASTERIUM PRO CLERICIS, je poste une photo montage accompagné, en coulisse, non pas d’une rasade d’eau bénite, mais d’une généreuse coupe de CHARLES MIGNON Première réserve. C’est si bon de recouvrer enfin la Liberté !
Et quant à la clause N°8 imposée par les deux Eminences ci-dessus mentionnées (« 8.– Denique oratori aliquod opus pietatis vel caritatis imponatur. Enfin, il faudra imposer au demandeur une œuvre de charité ou de piété. » — Et pourquoi pas une indulgence plénière ? C’est quoi ce troc !), puisqu’à moi nul ne peut rien « imposer », s’impose une seule réponse en forme de vigoureux bras d’honneur !