Et si « Dieu » n’était que L’EXTRAPOLATION d’un sentiment intérieur ? Je ne parle pas d’illumination, d’extase ou de quelque ravissement extraordinaire… mais de cette sorte d’état intérieur où l’on se sent bien, en harmonie, pacifié. Wittgenstein parle de ces « climats intérieurs » que chacun a éprouvé un jour ou l’autre, sans forcément être romantique. Il y aurait alors 2 réactions possibles, selon qu’on est doué ou non pour la chose religieuse. L’homo religiosus dit : Dieu m’a habité, je l’ai rencontré, il fait Dieu comme il fait jour, etc. L’homme non religieux dira simplement : j’étais bien ce jour-là, j’avais bien digéré, mon cerveau était réceptif etc. Wittgenstein a connu toute sa vie des expériences « spirituelles » mais il a toujours refusé de confondre spirituel et rationnel. Et l’une de ses phrases est devenue ma devise : « la clé de l’énigme, c’est qu’il n’y a pas d’énigme ! »
Je m’étonne parfois moi-même de mon parcours : il y a 35 ans, j’étais un jeune prêtre ardent, idéaliste et… hyperémotif. Effectivement, lorsque je me sentais bien… ou mal, sécurisé ou culpabilisé, je parlais à Jésus que j’appelais Seigneur, mon confident, mon hôte intérieur, mon sublime alter ego. Je n’ai pas mis longtemps à comprendre que j’étais en fait devenu le ventriloque d’une sorte de réalité abstraite et sentimentale que j’appelais « Dieu ». « Dieu » était le satellite artificiel de mon mental… et de mon moral. Du coup, j’ai jeté mon froc aux orties et, dégrisé pour de bon, suis devenu un athée paisible. Pas si paisible que ça… souvent farouche et combatif (l’athée militant n’est-il pas d’une certaine manière un maniaque de « Dieu » puisqu’il voit partout son absence ?). Bref, ma réaction est parfois ambivalente : nostalgie d’une drogue qui fut douce et en même temps frénésie de hurler aux naïfs : n’y succombez pas, n’y touchez pas, c’est subtil mais pernicieux, vous en serez accrocs. Escroc ! Dieu ? Un ami qui vous veut du mal…
Bref, si l’athée doit se méfier de sa passion (peut-être enflammée par le sentiment d’avoir été un jour manipulé ou floué), le croyant devrait, lui, se méfier de sa confusion intime : états d’âme et autres sublimes introspections. Dans le meilleur des cas, on aboutit à l’auto-illusion, dans le pire à la ventriloquie des clergés qui - toutes religions confondues - font parler Dieu ou les dieux. Ils utilisent dès lors les soit-disant décrets « divins » pour assurer et prétendre imposer un credo – en fait leur LOI toute humaine - dont ils sont à la fois les rédacteurs rusés et les exécutants assermentés, quand ils n’en deviennent pas les impitoyables exécuteurs… au nom du Salut planétaire et de l’Amour universel !