décembre 2008 (25)

mercredi 31 décembre 2008

RÉVEILLON À LESBOS

J'eus l'autre matin la surprise de lire sur mon site [Blog du 24 décembre] un commentaire de Sylvie. Toute émoustillée, elle confesse avoir passé la nuit de Noël, non pas avec “l'Imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ”, mais avec l'un de mes recueils érotiques et, à l'en croire, ses « communions privées » furent profondes et exquises.

Chaque fois que, venant d'une dame, cet aveu de jouissance m'est fait, doublé de malicieuse reconnaissance, c'est pour moi d'abord une stupéfaction puis une fervente action de grâces devant un tel hommage. Qu'un homme honore le dard impérial d'un autre mec offert à ses caresses, c'est déjà bien. Qu'une fille d'Eve imagine sous ma prose libertine le sceptre royal qui pour elle se déploie, s'approche, s'insinue, l'éperonne, la ramone et lui procure d'ineffables émois, voilà un autre prodige ! Bien sûr, rien ne vaut le réel, quoiqueue… mais la Littérature, elle, est rarement décevante : ses mollesses ou ses électrochocs, la courbe sinueuse de la phrase, la métaphore poétique, l'harmonie imitative, les rimes coquines ou les chiasmes, aussi surprenants et roboratifs que de vigoureux coups de rein… bref, notre langue française est un merveilleux aphrodisiaque.

Alors, fille et/ou garçon, dans le satin des songes et l'odorante pénombre, l'opus à la main et l'autre aventureuse, durant la dernière nuit de l'année, la plus longue et la plus froide, à deux ou à plusieurs ou seul(e), livrons-nous à la fusion torride et à la très sainte communion, sur la langue ou dans la main, qu'importe le rituel : oui, oui, je t'imagine, chérie(e), je te ressens lexicalement, à fleur de page, je te frôle ici (tandis que là-bas, par delà les Alpes, à la dernière Cour d'Europe, un saint vieillard débraguetté supplie et s'autoflagelle en triturant en vain devant le crucifix d'ivoire sa pauvre vieille relique pontificale grisonnante et chafouine) ici, dis-je, chez moi, dans ma chambrette, je te flaire entre les interlignes, à demi-mot je scrute ton acrostiche, je sonde ta syllepse. Quel style ! Et mon hypotypose, qu'en dis-tu ? Mignonne, non ? Tu oses ? Oui, oui, ami(e), hume-la à ton tour, déchiffre-moi en entier, épèle dans les marges mon désir qui se cabre, mon vertige de mâle ensyntaxé autant qu'enamouré, sens ma quintessence sous la voyelle charmeuse et déjà dénudée, et sous ta paume humide qui sculpte le désir, sous ton regard de feu, au bout de la césure, empoigne-le à fond ce gros paroxyton qu'empoisse ma présure à moins que…

… mais oui, stupeur ! délice ! vertige ! tendre connivence ! impudeur friponne ! deux amies alanguies et complices peuvent tout aussi bien s'offrir – sans attendre le phallus arrogant et si vite décevant, sitôt brandi, sitôt flapi, misère ! – s'offrir, dis-je, le septième ciel, n'est-ce pas, Jeanne et Toinon, mes jolies, mes lascives, mes belles affranchies, sublimes héroïnes de mon maître PIERRE LOUŸS !!!

Joyeux réveillon et bonne année 2009 à toutes et à tous.

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mardi 30 décembre 2008

FAIRE HALTE

Il serait bon que mon mental lâche du lest et, de désir en projet, de regret en résolution, de supputations en pseudo certitudes, cesse son éternel vagabondage. Savourer l'instant… désamorcer la nostalgie dès qu'elle s'insinue… briser le futur dès qu'il s'échafaude en d'improbables châteaux en Espagne. Mais le projet volatil n'est-il pas en lui-même une jouissance suffisante ? Musarder en ses songes le soir quand le sommeil tarde à venir… Agilité de l'imaginaire quand le corps est las ou prostré, n'aspire surtout pas au voyage, juste au repos bienfaisant. Jouir… désirer… me projeter… m'évader…tant mon âme est insatiable et avide, tant chacun d'entre nous est un prématuré malhabile à vivre et dévoré de rêves !

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dimanche 28 décembre 2008

LES MÉDECINS DE L’AMOUR (2)

Je dois une reconnaissance éperdue à un petit livre qui, il y a dix ans (il était temps !), m'a totalement libéré de toute inhibition et de tout moralisme judéo-chrétien. D'ailleurs, chaque parent devrait bien le recommander à ses rejetons pré-pubères, qu'il s'agisse de filles ou de garçons. Le titre de l'opus : « L'Éloge de la masturbation » (Zulma, 1997). Dans la même collection, Philippe Brenot, psychiatre, sexologue, auteur et… bienfaiteur de l'humanité a fait paraître un autre petit livre essentiel : « Les Médecins de l'Amour ». Il m'a semblé judicieux de mettre en ligne régulièrement quelques extraits significatifs et, j'espère, apéritifs surtout en ces temps où souffle, d'Amérique ou du Vatican, un vent aigre de moralisme et de puritanisme.

Les “médecins de l'amour” existent depuis toujours, depuis que les hommes et les femmes connaissent les nombreuses difficultés de l'union amoureuse. Du chaman de la préhistoire aux prêtresses d'Ishtar, du poète Ovide à Léonard de Vinci, d'Ambroise Paré à Nicolas Venette, d'Havelock Ellis à Freud, à Masters & Johson… et à Brenot, ces médecins-là sondent les arcanes de l'âme pour en comprendre les plus intimes rouages et en soulager les blocages. Ils sont poètes, toubibs, anatomistes, psychologues… Ils ont été les pionniers de cette connaissance de la sexualité humaine, ils fondent nos idées dans ce domaine de l'intime et du secret qui est encore un tabou de nos sociétés alors que règne la misère sexuelle dans un désert éducationnel et une surenchère commerciale.

Vont donc défiler ici une quinzaine d'experts, chaque notice biographique étant suivie de brefs « morceaux choisis » que Philippe Brenot a nommés « documents de l'amour » (judicieusement traduits par lui en langage contemporain lorsque la langue est trop antique ou le jargon trop médical). Ces textes nous montreront toute la pré-science de ces hommes de connaissance, leur grande modernité ou encore la beauté de leur style littéraire.

Aujourd'hui LEONARD DE VINCI.em>

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vendredi 26 décembre 2008

CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS (35)

À partir du vendredi 25 avril 2008, et ce désormais avant chaque week-end, je mets en ligne un manuscrit inédit « CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS, Chronique d'une mélancolie».
Prochainement édité par les éditions de L'Harmattan dans la collection « Ecritures », ce 12ème opus sortira fin décembre 2008. En attendant, rien ne change : je continuerai chaque fin de semaine à mettre en ligne le Journal de Paul.

Partons donc sans plus attendre - et en avant-première - à la découverte de ce petit Paul de Montclairgeau durant les deux dernières années de sa vie, dans son Jura natal et à Paris ou il dépérit, ce jeune homme qui est si touchant, si contemporain, si rimbaldien, si agaçant aussi… et qui ressemble un peu à l'auteur comme un frère… forcément ! Puisque c'est ma propre adolescence que je réécris à titre posthume en y injectant ma fièvre et mes utopies de jeune homme prolongé et de moins en moins mûr (mais je préfère être immature tardif que prématurément blet!)

Embarquons donc pour cette Chronique d'une mélancolie, en se remémorant chaque fois les deux citations en exergue de l'œuvre et qui dès le porche l'éclairent :

On ne peint bien que son propre cœur, en l'attribuant à un autre.
CHATEAUBRIAND

Ah ! l'égoïsme infini de l'adolescence, l'optimisme studieux : que le monde était plein de fleurs cet été ! Les airs et les formes mourant… - Un chœur, pour calmer l'impuissance et l'absence ! Un chœur de verres, de mélodies nocturnes… En effet les nerfs vont vite chasser.
RIMBAUD

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jeudi 25 décembre 2008

NOËL ENCORE…

Bouffer pour oublier ? Bêtifier avec les mômes devant le sapin ? Huit jours plus tard, se claquer une bise sous le gui quand sonnera minuit ? Y a-t-il vraiment de quoi se marrer et de faire la bamboula quand… « Suffit, Bellinus, la ferme ! tu n'as pas honte de faire le cynique et le grincheux un matin de Noël !!! On ne parle déjà pas assez de la crise un peu partout ! Faut-il que tu en rajoutes ? Basta ! Vade retro ! » murmure l'ange gardien qui se fâche tout rouge au point de froisser ses grandes ailes blanches. « Tu as le droit de mettre en ligne ton poète préféré - finit par concéder le chérubin - mais à une seule condition : contrebalancer le poème avec le conte qui berça ton enfance et te fit délicieusement pleurer. Certes, l'histoire de la petite môme surgelée n'est guère plus réjouissante que les jérémiades de ton maudit Jules même si elle se termine bien : “ en un lieu où il n'y a plus ni de froid, ni de faim, ni de chagrin : devant le trône de Dieu. ” » AMEN.

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mercredi 24 décembre 2008

NOËL SCEPTIQUE

C'est une fête que je déteste au plus haut point. Je l'appelle « la grande fête dégoûtante » : formidable piège à nostalgie et sanctuarisation de la famille bêtifiant dans ses rituels immuables, son conformisme gnangnan, ses bons sentiments sur commande et son foie gras en promo. Car on ne choisit jamais sa famille alors qu'une fois l'an société de consommation et tradition chrétienne somment la tribu de fêter le doux enfant pervers qui somnole en chacun de ses membres et de s'aimer sur commande en partageant la dinde indigeste du consensus. Heureux les célibataires de la Nativité ! À défaut de compagnie, ils ont choisi la lucidité. Une semaine plus tard, la St Sylvestre ne vaut guère mieux. D'ailleurs, je ne comprends pas qu'on se réjouisse d'une année qui fout le camp et d'une nouvelle qui arrive et qui a peu de chances d'être meilleure surtout en ces temps de crise.

Bref, comme chaque année, je savoure la vérité de mon maître Sulivan qui me masse régulièrement l'âme depuis plus de trente ans. Alors, un Noël de plus, un Noël de moins, je m'en remettrai !

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mardi 23 décembre 2008

QUESTIONS POUR UN MORPION

Jules me plaît de plus en plus par ses doutes, ses effrois, ses grosses fureurs attendrissantes. Il se sait seul. Il se sent perdu. Nu et abandonné. D'où vient-il ? Où va-t-il ? Et que peut la terre qui le porte ? D'où vient cette petite planète ? Où se dirige-t-elle ? À moins qu'elle ne soit elle aussi abandonnée et perdue dans l'immense silence sidéral…

Dans les temps barbares qui sont les nôtres, Jules Laforgue est le poète moderne qu'il nous faut car il est indissociablement sarcastique et métaphysique tout en gardant son cœur d'enfant.

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dimanche 21 décembre 2008

LES MÉDECINS DE L’AMOUR (1)

Je dois une reconnaissance éperdue à un petit livre qui, il y a dix ans (il était temps !), m'a totalement libéré de toute inhibition et de tout moralisme judéo-chrétien. D'ailleurs, chaque parent devrait bien le recommander à ses rejetons pré-pubères, qu'il s'agisse de filles ou de garçons. Le titre de l'opus : « L'Éloge de la masturbation » (Zulma, 1997). Dans la même collection, Philippe Brenot, psychiatre, sexologue, auteur et… bienfaiteur de l'humanité a fait paraître un autre petit livre essentiel : « Les Médecins de l'Amour ». Il m'a semblé judicieux de mettre en ligne régulièrement quelques extraits significatifs et, j'espère, apéritifs surtout en ces temps où souffle, d'Amérique ou du Vatican, un vent aigre de moralisme et de puritanisme.

Les “médecins de l'amour” existent depuis toujours, depuis que les hommes et les femmes connaissent les nombreuses difficultés de l'union amoureuse. Du chaman de la préhistoire aux prêtresses d'Ishtar, du poète Ovide à Léonard de Vinci, d'Ambroise Paré à Nicolas Venette, d'Havelock Ellis à Freud, à Masters & Johson… et à Brenot, ces médecins-là sondent les arcanes de l'âme pour en comprendre les plus intimes rouages et en soulager les blocages. Ils sont poètes, toubibs, anatomistes, psychologues… Ils ont été les pionniers de cette connaissance de la sexualité humaine, ils fondent nos idées dans ce domaine de l'intime et du secret qui est encore un tabou de nos sociétés alors que règne la misère sexuelle dans un désert éducationnel et une surenchère commerciale.

Vont donc défiler ici une quinzaine d'experts, chaque notice biographique étant suivie de brefs « morceaux choisis » que Philippe Brenot a nommés « documents de l'amour » (judicieusement traduits par lui en langage contemporain lorsque la langue est trop antique ou le jargon trop médical). Ces textes nous montreront toute la pré-science de ces hommes de connaissance, leur grande modernité ou encore la beauté de leur style littéraire.

Aujourd'hui, pour ouvrir la série, OVIDE, le plus génial des poètes latins.

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vendredi 19 décembre 2008

CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS (34)

À partir du vendredi 25 avril 2008, et ce désormais avant chaque week-end, je mets en ligne un manuscrit inédit « CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS, Chronique d'une mélancolie».

Prochainement édité par les éditions de L'Harmattan dans la collection « Ecritures », ce 12ème opus sortira fin décembre 2008. En attendant, rien ne change : je continuerai chaque fin de semaine à mettre en ligne le Journal de Paul.Partons donc sans plus attendre - et en avant-première - à la découverte de ce petit Paul de Montclairgeau durant les deux dernières années de sa vie, dans son Jura natal et à Paris ou il dépérit, ce jeune homme qui est si touchant, si contemporain, si rimbaldien, si agaçant aussi… et qui ressemble un peu à l'auteur comme un frère… forcément ! Puisque c'est ma propre adolescence que je réécris à titre posthume en y injectant ma fièvre et mes utopies de jeune homme prolongé et de moins en moins mûr (mais je préfère être immature tardif que prématurément blet!)

Embarquons donc pour cette Chronique d'une mélancolie, en se remémorant chaque fois les deux citations en exergue de l'œuvre et qui dès le porche l'éclairent :

On ne peint bien que son propre cœur, en l'attribuant à un autre.
CHATEAUBRIAND

Ah ! l'égoïsme infini de l'adolescence, l'optimisme studieux : que le monde était plein de fleurs cet été ! Les airs et les formes mourant… - Un chœur, pour calmer l'impuissance et l'absence ! Un chœur de verres, de mélodies nocturnes… En effet les nerfs vont vite chasser.
RIMBAUD

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jeudi 18 décembre 2008

LES FENÊTRES

Comme le Poète, il m'arrive souvent de scruter les fenêtres des nombreux immeubles qui m'entourent, surtout en hiver lorsqu'elles demeurent closes. Et je me dis moi aussi : quels secrets derrière ? Quels drames conjugaux ou familiaux ? Quels enlacements las ou torrides ? Quels spectres enclos épiant furtivement la vie au dehors en endurant l'interminable déliquescence du Temps ?... Les étoiles qui clignotent ou les Pères Noël qui ça et là grimpent à l'assaut des croisées (c'est très à la mode par ici) ne doivent pas donner le change, pas plus que les gazouillis qui, au printemps ou en l'été, s'échappent allègrement des battants entrebâillés. Chaque fenêtre est un mystère comme lorsque, sous l'assaut du chagrin ou de la volupté, l'homme abaisse ses paupières.

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mercredi 17 décembre 2008

C’EST MAMAN QUI M’APPELLE ?

Ma mère s'appelait Geneviève. Elle est morte encore jeune d'un brutal arrêt du cœur que rien ne laissait prévoir. Je parle d'elle dans mes livres, souvent, sans indulgence alors que je sais qu'elle adorait son “Biquet”. Pourquoi cette sévérité de ma part ? Je l'ignore. Mais est-ce bien elle ? Lorsque point une ombre de remords, je me dis que la mère de Paul ou de Julius n'est pas la maman de Michel.

Bouleversante coïncidence : je découvris hier, durant la sieste, un texte à la fois drôle et touchant de Jules Laforgue, jeune poète qui actuellement fait mes délices. L'auteur, comme en se jouant, parle de cœur qui crève et de sa… Geneviève ! Bien sûr, à la fin du poème que je lus à mi-voix, le petit garçon que je suis resté avait les paupières humides et la bouche crispée… Mais la mémoire du soixantenaire restait vide, comme embarrassée et stupide : ni sa voix ni son visage ni son pâle sourire, rien, un grand trou noir et pas même le désir de retrouver ma mère.

Serais-je un monstre… hypertrophique ?

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mardi 16 décembre 2008

LA MORT D’ALEXANDRE GAVROCHE

Les jeunes Grecs face aux flics, nos lycéens dans la rue, la colère des humbles sous la mitraille silencieuse des spéculateurs planqués et des nantis arrogants ou donneurs de leçon…. Autrefois, trois mois avant un certain jour de Mai, « la France s'ennuyait » ; aujourd'hui, elle souffre et ronge son frein tandis que la colère couve. Dangereux face-à-face entre un hyperprésident plus hâbleur, plus manipulateur, plus autosatisfait, plus seul que jamais et l'inquiétude viscérale des classes moyennes flouées, des vieux qui survivent, des ouvriers en vacances forcées, des clandestins traqués, des jeunes et des moins jeunes qui ont la rage et de tous les déçus du libéralisme fossoyeur de valeurs et générateur d'inégalités. Fossé entre le pouvoir et la rue. Défi en chiens de faïence. Dialogue de sourds. Veillée d'armes. Certes, les Cassandre n'ont pas toujours raison, ni ceux qui soufflent sur les braises, ni ceux qui préfèrent se boucher les yeux ou les oreilles, la France n'est pas la Grèce, comparaison n'est pas raison. Mais… Voici en tout cas la page que m'inspirent ce matin la mort d'Alexandre Grigoropoulos et l'actualité hexagonale qui, je le crains - ou plutôt je l'espère - ne respectera pas l'hypocrite trêve des confiseurs.

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lundi 15 décembre 2008

ÉCRIRE, DIT-IL

Samedi dernier, après avoir visité l'immense chantier de dessalement d'eau de mer de Fujairah - toute cette technologie mise en œuvre, ces centaines d'ouvriers affairés comme les antiques constructeurs des pyramides et l'Ami qui me faisait visiter le site, lui si compétent, si pragmatique, si soucieux des réalités techniques et humaines - je me suis senti bizarrement inutile, démuni, “à côté de la plaque”. Dans deux ans, l'usine sera livrée clés en mains et l'eau pure jaillira. Et moi, auteur loser, qu'est-ce que je fabrique avec mes pauvres petits mots griffonnés sur un blog ou sur les pages d'un livre ? Que vais-je laisser sinon quelques états d'âme égotiques et de pauvres esquisses de papier ?

Lorsque je montai dans l'avion, trois jours plus tard, le même malaise se saisit de moi, encore aggravé par la tristesse de la séparation, cette impression tenace d'inutilité sociale et d'incompétence personnelle. C'est alors que j'eus la chance de lire, dans le seul quotidien français proposé aux voyageurs, le discours de Jean-Marie Gustave Le Clézio lors de la réception de son Prix Nobel de Littérature. Des esprits chagrins ont dit que ce discours de Stockholm était convenu et consensuel. Peut-être. Ce que je sais, c'est qu'aussitôt, ces mots eurent un impact sur moi, me consolant, me rendant foi en moi-même, provoquant comme un appel d'air, me restituant une forme de justification dans la mesure où la Littérature, même si elle signe une forme d'incompatibilité personnelle avec le réel – d'infirmité – ne permet pas pourtant de fuir ce même réel de notre planète ni les combats qui s'y déroulent.

Evidemment, je n'ai pas l'outrecuidance de me comparer aux grands auteurs cités par Le Clézio, mais, lorsqu'on se sait orphelin et un peu minus, pourquoi bouder la joie de se sentir intégré, fût-ce virtuellement par la magie d'un discours, dans une famille d'accueil généreuse et entreprenante, entre désillusion et courage, ardeur et impuissance, solipsisme et solidarité ?

« Comment l'écrivain pourrait-il agir, alors qu'il ne sait que se souvenir ?... La solitude est aimante à l'écrivain, c'est dans sa compagnie qu'il trouve l'essence du bonheur .»

Dans l'humilité aussi et la douleur féconde devant sa propre incapacité à être heureux et à changer le monde.

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samedi 13 décembre 2008

LA BAGUE MAGIQUE

Ce matin, je serai bref. Juste un concentré de sagesse qui devrait permettre à chaque internaute de passer un excellent week-end en atteignant la béate ataraxie à laquelle je m'exerce tant bien que mal.

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vendredi 12 décembre 2008

CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS (33)

À partir du vendredi 25 avril 2008, et ce désormais avant chaque week-end, je mets en ligne un manuscrit inédit « CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS, Chronique d'une mélancolie».
Prochainement édité par les éditions de L'Harmattan dans la collection « Ecritures », ce 12ème opus sortira fin décembre 2008. En attendant, rien ne change : je continuerai chaque fin de semaine à mettre en ligne le Journal de Paul.Partons donc sans plus attendre - et en avant-première - à la découverte de ce petit Paul de Montclairgeau durant les deux dernières années de sa vie, dans son Jura natal et à Paris ou il dépérit, ce jeune homme qui est si touchant, si contemporain, si rimbaldien, si agaçant aussi… et qui ressemble un peu à l'auteur comme un frère… forcément ! Puisque c'est ma propre adolescence que je réécris à titre posthume en y injectant ma fièvre et mes utopies de jeune homme prolongé et de moins en moins mûr (mais je préfère être immature tardif que prématurément blet!)

Embarquons donc pour cette Chronique d'une mélancolie, en se remémorant chaque fois les deux citations en exergue de l'œuvre et qui dès le porche l'éclairent :

On ne peint bien que son propre cœur, en l'attribuant à un autre.CHATEAUBRIAND

Ah ! l'égoïsme infini de l'adolescence, l'optimisme studieux : que le monde était plein de fleurs cet été ! Les airs et les formes mourant… - Un chœur, pour calmer l'impuissance et l'absence ! Un chœur de verres, de mélodies nocturnes… En effet les nerfs vont vite chasser.
RIMBAUD

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jeudi 11 décembre 2008

UNE INFUSION DE VERLAINE (3)

En avril 1883, Lucien Letinais, l'ami-amant de Verlaine mourait à 23 ans de la fièvre typhoïde. Le désespoir du poète se traduira dans une série de vingt-cinq poèmes à la mémoire de son « fils adoptif ». Comment rester les yeux secs et le cœur vaillant devant une telle détresse, devant un tel amour… qu'on se prend à envier.

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mercredi 10 décembre 2008

UNE INFUSION DE VERLAINE (2)

LE BEL INCONNU QUE PAUL GUETTAIT !
Ce grand gaillard- grand dadais, diront les uns, petit futé, diront les autres – ce fils de cultivateurs, qui sait herser, rouler, faucher mais pas tuer les poules, c'est mon fils, dira Verlaine, le fils que mon cœur a élu. Parce que le sien, le vrai, la chair de sa chair, son petit Georges, on le lui a enlevé, quand il a suivi Rimbaud, savez-vous ? On, c'est Mathilde, nature, et les Mauté, ses beaux-parents, les instigateurs de son divorce.

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mardi 9 décembre 2008

UNE INFUSION DE VERLAINE (1)

« TA VOIX DANS LE BOIS DE BOULOGNE ! »

Aujourd'hui, de retour des Émirats, je suis ému, très ému, très très très ému : je viens de découvrir que Paul a habité pas loin de chez moi, à Boulogne et qu'il n'avait de cesse d'attendre, chaque soir, fidèle au poste, son petit Lucien, son cher et improbable « fils adoptif ». Car Verlaine n'était dévoré que d'un seul mal – que l'alcool ne parvenait pas à soigner : aimer, être aimé !

« J'ai la fureur d'aimer. Qu'y faire ? Ah, laisser faire ! »

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lundi 8 décembre 2008

PAUVRE FRANZ

Pour tenter de soigner ma céphalalgie (« féminoïde », ajouterait narquois l'Ami si cher), j'écoute ce matin l'un de mes musiciens préférés. Ecouter le piano de Franz tandis qu'au dehors le muezzin de Fujairah appelle à la prière ! Qu'importent les circonstances, des pages proprement miraculeuses de Schubert (ses Lieder pour voix de femme) interprétées par ma cantatrice adorée Gundula Janowitz que je préfère à la sublime Schwarzkopf). Rien à dire de plus… si, peut-être, puisqu'il est impossible de mettre ici en ligne des notes de musique, donner à lire le beau commentaire du cher André Comte-Sponville. Mots et sons, je nage doublement dans le bonheur !

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samedi 6 décembre 2008

AIË DUBAÏ !

J'ai vu Dubaï hier matin, vu de mes propres yeux vu, vu ce qui s'appelle vu : une monstrueuse fourmilière surgie de nulle part, un perpétuel chantier à ciel ouvert, partout, toujours plus loin, dans le moindre recoin, dans le plus infime espace encore vierge, à perte de vue un entrelacs insensé de chantiers, de palissades, d'échafaudages, de poutrelles, d'armatures, d'engins posés sur le toit béant d'immeubles inachevés et griffant avidement le ciel, défi toujours plus haut, toujours plus effilé, toujours plus insensé.

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vendredi 5 décembre 2008

CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS (32)

À partir du vendredi 25 avril 2008, et ce désormais avant chaque week-end, je mets en ligne un manuscrit inédit « CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS, Chronique d'une mélancolie».

Prochainement édité par les éditions de L'Harmattan dans la collection « Ecritures », ce 12ème opus sortira en décembre 2008. Du coup, je retravaille et peaufine le manuscrit jusqu'au dernier moment. Et en attendant, rien ne change : je continuerai chaque fin de semaine à mettre en ligne le Journal de Paul.Partons donc sans plus attendre - et en avant-première - à la découverte de ce petit Paul de Montclairgeau durant les deux dernières années de sa vie, dans son Jura natal et à Paris ou il dépérit, ce jeune homme qui est si touchant, si contemporain, si rimbaldien, si agaçant aussi… et qui ressemble un peu à l'auteur comme un frère… forcément ! Puisque c'est ma propre adolescence que je réécris à titre posthume en y injectant ma fièvre et mes utopies de jeune homme prolongé et de moins en moins mûr (mais je préfère être immature tardif que prématurément blet!)

Embarquons donc pour cette Chronique d'une mélancolie, en se remémorant chaque fois les deux citations en exergue de l'œuvre et qui dès le porche l'éclairent :

On ne peint bien que son propre cœur, en l'attribuant à un autre.
CHATEAUBRIAND

Ah ! l'égoïsme infini de l'adolescence, l'optimisme studieux : que le monde était plein de fleurs cet été ! Les airs et les formes mourant… - Un chœur, pour calmer l'impuissance et l'absence ! Un chœur de verres, de mélodies nocturnes… En effet les nerfs vont vite chasser.
RIMBAUD

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jeudi 4 décembre 2008

VOL DE NUIT

« Pour le pilote, cette nuit était sans rivage puisqu'elle ne conduisait ni vers un port (ils semblaient tous inaccessibles), ni vers l'aube : l'essence manquerait dans une heure quarante. Puisque l'on serait obligé, tôt ou tard, de couler en aveugle, dans cette épaisseur… »

Ce soir, à 21h 06, je m'envole. Incroyable mais vrai ! Ainsi, l'A…. [mot de 5 lettres, rimant avec humour, mot “obscène” dit-il] a été plus fort que ma phobie de prendre l'avion - la dernière fois c'était en 1971 ! Ainsi, le plaisir toujours neuf de parcourir un corps archiconnu a été bien plus déterminant que d'explorer un rivage lointain. Car l'exotisme m'ennuie, l'Islam m'inquiète, voyager m'épuise, monter dans un avion me stresse, les diverses formalités m'affolent… seule m'aimante l'image de l'hôtesse tout de jaune vêtue agitant dans le Terminal 3 une pancarte portant mon nom (quelle délicate attention de sa part !) et me conduisant jusqu'à lui. Je n'aurai alors qu'à me mettre dans le sillage de Miss canari et avancer à sa rencontre, le cœur battant, comme il y a dix ans, lors de mon débarquement en gare de Lyon, je le guettais tout au bout du quai ! Par rapport à ma province natale, Paris, c'était l'inconnu, l'eldorado, le Paradis. Promesse tenue. Car si voyager ne guérit pas l'âme, l'attachement à quelqu'un qu'on a… [idem] et estime permet de ne pas errer sur la terre, de mieux savourer la vie et de finir peut-être par se responsabiliser.L'Ami lointain… demain à l'aube. En comparaison, sept heures de Boeing ne sont qu'un tout petit (mauvais ?) moment à endurer et les orages de l'aviateur-écrivain de bien vieux souvenirs littéraires !

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mercredi 3 décembre 2008

L’AMI

Hier, c'était un poète sombre et désespéré. Aujourd'hui, c'est un Baudelaire exotique et lumineux. Car si le Temps ronge et détruit, il offre parfois à qui sait les voir d'éblouissantes extases. Dans mon prochain livre, je… pardon, Paul (mais personne n'est dupe !) lui consacre ça et là quelques pages tant la Poésie est pour lui un enchantement et un indispensable viatique. Pour situer la scène qui va suivre, le jeune homme, très curieux, très épris d'art, visite l'église Notre-Dame de Beaune (Côte d'Or).

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mardi 2 décembre 2008

L'ENNEMI

Le Temps, bien sûr, qui bouffe nos vies et dissout nos amours. Le temps qui creuse nos rides et racornit notre cœur. Le temps morne et languissant de notre train train quotidien… avant qu'il ne déraille ! Cet obscur et implacable ennemi qui « du sang que nous perdons croît et se fortifie. »
Tout le reste n'est que littérature et pieuse consolation.

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lundi 1 décembre 2008

DÉLICE EN CHAUD-FROID

Hier à Garches, j'ai concocté pour la charmante Pome un dessert de mon cru qui fait toujours son petit effet et dont je ne suis pas peu fier. Le meilleur test de satisfaction : la jouvencelle n'apprécie pas les desserts en général ni les sucreries en particulier ; elle préfère dévorer à jeun et à belles dents une énorme côte de bœuf rôtie ! Néanmoins, Pome a un faible pour la spécialité bellinesque en question. « Dis, Michel, et si pour midi tu nous faisais ta crêpe au four ? » Aussitôt suggéré, aussitôt mijoté.
Le principe de ce dessert simplissime (interdit aux maître-queux de plus de 8 ans) est d'associer le chaud et le froid. Tout comme j'aime adjoindre le sucré au salé, la vanille au tabac etc. En fait, c'est un postulat philosophique : le contraste épicurien (cf. mon blog de samedi dernier), contraste qui culmine dans cet aphorisme hédoniste : « comme la bière a goût de bière, le bonheur a bon goût d'amer. »
Trêve de philosophie, pour en revenir à mon dessert de prédilection, il faut d'emblée noter qu'il accumule tous les atouts : c'est une surprise gastronomique, économique, hyper pratique, fantastique voire ithyphallique (avec le côté exhib et un brin nostalgique attaché à la délicieuse « petite mort »). Ah ! ah ! je vois qu'on dresse… l'oreille ! Oh ! oui, mon souriceau, dresse tes menues esgourdes, tends-moi ton lobe velouté afin que je le gobe, agace gentiment mes papilles voraces et… non, ne me tends rien, amigo, ni tes oreilles ni le reste, tu vas me troubler dans ma démonstration. Retour donc à la recette du jour. Et si tu veux bien, cher(e) internaute, tu testes le week-end prochain la crêpe de Bellinus et tu nous en donnes ici des nouvelles et peut-être tes propres astuces. Chiche ?

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