Journal de Michel Bellin

Dans La vie est ailleurs, le romancier Milan Kundera (qui vient d'entrer de son vivant à La Pléiade) imagine un vieux savant observant la jeunesse et découvrant un aspect inattendu du grand âge. Une parole forte pouvant expliquer que certaines vieilles gens (par exemple belle maman qui, bon pied, bon œil et langue de vipère, vient de fêter allègrement son 90ème printemps !), apparemment perfides, accèdent en fait sur le tard à une totale indépendance, entière liberté de penser et de s'exprimer, de s'attacher et de congédier, d'aimer et de détester… Qu'ont-elles à perdre puisque, désormais, leur Vie est déjà ailleurs ? L'attraction de la jeunesse n'est désormais pour ces momies en sursis savourant l'ultime suc de l'existence qu'un miroir aux niaises alouettes. Les conventions et les injonctions sociales ? Snobisme de pacotille ! Le clan familial ? Sanctuaire démythifié, conservatoire des plus sots préjugés et des plus hypocrites affections. Çà, ce n'est plus du Kundera, mais du Bellin pur jus !

Il y a quelques semaines, j'ai placé sur la page d'accueil de mon site une petite enveloppe verte mystérieusement intitulée « UTOPIE 2012 ». A en juger par le nombre de contacts reçus, je me dis que cette invitation à une retraite heureuse restera très longtemps encore une utopie ! Mais je ne suis pas amer, confiant au contraire. Et puisque je relis ces jours Le spleen de Paris, je m'imagine dans l'âme du poète, rêvant avec lui de cette contrée lointaine et mystérieuse. Les mots enchantés prennent alors le relais des plans sur la comète, même si c'est une maladie fiévreuse que d'entrevoir pour l'avenir une existence solidaire et harmonieuse, d'où la solitude serait bannie, et aussi la vulgarité, le fric, la compromission, l'indécence médiatique, les éternels et épuisants quiproquos… en cette « Chine occidentale où la vie est douce à respirer, où le bonheur est marié au silence. »
C'est bien là qu'il faut aller vivre, c'est là qu'il faut aller mourir . En remplaçant, s'il est possible, la femme aimée par le frère d'élection !

L'actrice américaine vient de décéder à l'âge de 79 ans. Elle avait cambriolé mon cœur de jeune séminariste puis l'avait déserté en même temps que s'effilochaient les immenses affiches de Cléopâtre. Je lui rends hommage ici par un extrait de mon livre qui vient de sortir (A belles dents, Gap, mars 2011).

Quand l'ultime livre paraîtra, est-ce que le rictus édenté de l'auteur laissera place au seul sourire du cœur ?

Quand ce jour-là arrivera, est-ce que le pontife en dentelles aura délaissé ses mules d'antan pour chausser des ballerines de printemps ?

Quand ce jour-là arrivera, est-ce que Sarko l'Arsouille aura dans les sondages un peu plus dégringolé ?

Quand ce jour-là arrivera, est-ce que – pour consoler l'auteur en exil – les défuntes années se pencheront vers lui en robes surannées ?

Je m'aperçois que je n'ai plus écrit ici depuis pas mal de temps ! Je le déplore mais comme j'ai décidé de ne pas me forcer, le moins souvent possible... En fait, je suis très occupé à préparer la bombe (pacifique) qui explosera ici dans quelques jours. Chut ! C'est un scoop.